Où sommes-nous en effet ? En France. Ce coin de terre censé être le plus tolérant est le plus libre, où il règne néanmoins comme une "terreur intellectuelle", visualisée par le ricanement voltairien . Elle tente d'oblitérer, au nom de l'esprit, en sa compréhension la plus étroite, toute l'idée de l'âme - considérée comme inférieure ou obscurantiste - afin que ne soit pas perturbé le dualisme corps-esprit dans lequel elle se complaît. A la longue, on s'habitue à ce climat confiné desséchant. Chose curieuses, il semble que ce phénomène soit avant tout hexagonal, le mot en question se prononce plus naturellement sans susciter grimaces ou haussements d'épaules bien que là aussi son contenu soit devenu souvent vague et flou.
De l'Âme, Francois Cheng, Albin Michel, p.11
A l'infini : ici à l'image de l'âme qui, de vie en vie, revient vivre de nouvelles expériences et qui va, au travers des aléas de l'existence, se transformer. Au-delà : pour rappeler les liens qui se tissent chaque jour entre le visible et l'invisible.
dimanche 9 décembre 2018
Mais qu'est-ce que la vraie beauté François Cheng ?
- Dans la vie, il y a des scènes qui exaltent, comme le combat,
l’entrechoquement des corps par exemple, mais l’état suprême de la
beauté, c’est l’harmonie.
Il s’agit de la qualité éthique de la beauté. Cette beauté éthique permet à l’homme de conserver sa dignité, sa générosité et sa noblesse d’âme.
Ces qualités nous permettent de transcender notre condition humaine, de dépasser la douleur pour atteindre l’harmonie. La beauté nous transfigure, car elle nous sort de l’habitude, nous permet de revoir les choses qui nous entourent comme au matin du monde, comme pour la première fois.
En sortant dans la rue, vous voyez cet arbre en fleur, et l’univers vous apparaît comme au matin du monde. Comme Prévert qui, dans un poème (Voyages, in Histoires, Gallimard, Folio, 1972), raconte qu’il voit sa femme de loin dans un bus, sans d’abord la reconnaître, comme s’il la voyait pour la première fois. Seule la beauté est capable de nous donner cet étonnement, cet émerveillement de la première fois. »
- « La beauté n’est-elle qu’un ornement, un surplus, voire un superflu ? Est-elle, au contraire, au fondement même de l’Être, donc une nécessité vitale ?
- En tout état de cause, elle constitue un mystère qui mérite notre inlassable interrogation. À travers elle se révèle, de fait, la vérité de l’unicité de notre être à chacun, et du sens de notre existence terrestre : sensation – direction – signification.
Se pose alors la question quant à savoir comment dévisager la vraie beauté, tant il est vrai qu’on ne peut fixer le soleil sans en être aveuglé. Que d’artistes, affrontant la beauté, se sont brûlé les ailes !
- La beauté procède de l'être, elle est avant tout désir de beauté et élan vers la beauté. La vraie beauté n'est donc pas seulement formelle ; elle n'est pas faite de la seule combinaison de traits extérieurs.
Cette beauté formelle, lorsqu'elle est utilisée comme un instrument de tromperie ou de domination, et, à terme, d'anéantissement de l'autre, est la laideur même. Une beauté n'est pas fondée sur le bien cesse d'être "belle".
Inversement, tout acte de bonté est beau, ce qu'on appelle un "beau geste". Ce qui signifie que la bonté est garante de la qualité de la beauté. Pour moi, tout est lié : beauté physique, beauté morale et beauté spirituelle. Ces dernières confèrent à l'homme une noblesse et une dignité par-dessus l'abîme tragique, comme le montrent les icônes. La beauté féminine tient surtout dans le regard, le sourire, dans la voix qui rappelle à l'humanité son rêve de douceur et d'harmonie. Même un visage ravagé peut être beau dans un moment de profonde prière, d'abandon à l'Esprit. Quelque chose sourd alors de l'intérieur de lui-même qui le métamorphose.
Entretiens avec François Cheng de l’Académie française, ed. Albin Michel.
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