lundi 8 avril 2019

Victor Hugo aurait-il pu sauver Emma Bovary ? Episode 4 : Flaubert découvre Jane Austen (fin de la fiction)

Salon de Mme Loynes
     Fébrile, c’était une autre nuit d’insomnie… beaucoup d’émotions étaient remontées à la surface de son être en lisant la lettre de son ami. Puis il y avait eu cette rencontre chez Madame de Loynes. La Comtesse lui avait présenté le jeune Sir Cawley, qui non content de plaire à la plupart de ces dames, par son agréable apparence, avait dans son parler les traces d’une prime jeunesse passée Outre-Manche. Il en avait gardé cet accent si séduisant pour la gente féminine et Flaubert avait tout d’abord vu en lui un farouche rival. Mais Flaubert n’était plus le même homme depuis quelques temps, et l’instinct, qui lui avait serré en premier lieu le creux de l’estomac, avait laissé place à un sentiment plus fraternel. La passion des mots les avait rapprochés et Sir Cawley lui avait fait découvrir un auteur incroyable de son pays de naissance.

Et c’est en cette énième nuit, qui lui paraissait si longue, qu’il voulut partager avec Louise sa découverte :

Elisabeth Bennett
 "(...) cette auteure dont j'ai évoqué les romans, une certaine Jane Austen, peu connue en langue française, plaira à Emma. Cette Miss Bennett, qu'elle dépeint semble faire partie d'elle-même au demeurant. Elle est passionnée dans son coeur et raisonnable dans ses actes ; l'amour juste et l'honnêteté sont au-dessus de toutes choses pour elle. C'est en ces termes qu'elle adresse à l'homme qu'elle l'aime, enfin c'est du moins ce que Sir Cawley m'a traduit : "Depuis le commencement, je pourrais dire dès le premier instant, j'ai été frappée par votre fierté et votre mépris égoïste des sentiments d'autrui". Point de lettre enflammée, de mouchoirs parfumés, de rendez-vous secrets. La sincérité de son héroïne crée une réalité parfois abrupte, mais c'est dans cette réalité même que la beauté de l'amour prend sa source. Ainsi Monsieur Darcy, élu du coeur de Miss Bennett répond "et vous m'avez montrée que mes prétentions étaient insuffisantes pour plaire à une femme qui méritait réellement qu'on l'aime".

J'aimerais tant qu'Emma rencontre Miss Bennett.... 

 
Promenade des Anglais au XIXe siècle
Nice, 2016.

Elle venait de lire le dernier texte du Blog, en traversant le boulevard Victor Hugo, elle se souvenait des mots qui l'avaient émue. Peut-être Flaubert avait-il lui aussi traversé ce boulevard au bras de Caroline déjà malade ? Elle avait lu, avec l'insatiable curiosité de sa jeunesse, le séjour de Flaubert sur les côtes niçoises. Elle n’était pas loin de la mer, elle avait besoin de s’aérer, de marcher , de comprendre…Emma Emma Emma. Elle s’était sentie tellement mal à l’aise en voyant ce film. A mesure qu’elle avançait vers la promenade des Anglais pour voir la mer, elle prit la mesure de ce qu’elle ressentait. Le dégoût suscité par l’héroïne de Flaubert avait laissé place à la compassion. A sa compassion de femme, pour la femme qu’Emma était et demeurait en elle, en nous.
Promenade des Anglais aujourd'hui.

 Ainsi, bien incarnée dans son XXIe siècle, elle gardait dans son coeur une partie de ce 19e siècle qu'elle aimait tout particulièrement, comme le lien éternel entre deux espaces-temps qui venaient de se rejoindre. Le passé tendait la main à un futur ouvert et porteur de nouveautés et sa dimension de femme rayonnait aujourd'hui pleinement.








Sylvia Uro, Aufélie Blanchard, Native Ellerkamp.