samedi 4 mars 2017

La sublimation de l'amour impossible


"Mon paysage intérieur a changé. J'y sens une présence invisible, le souffle d'une vie et d'une espérance nouvelle auxquelles je suis incapable de donner un nom.
Alors je devrais vivre rongée de chagrin.
Pourquoi ? En ce qui me concerne je jouis encore de toute ma raison et je sais pourtant que celui que j'adore ne m'appartiendra jamais en ce monde.
Dans l'au-delà sans doute car Dieu est bon.

Je ne sais. Je le vois vivre et cela me suffit. S'il meurt ma vie continuera peut-être, mais, intérieurement, je serai morte..."

Extrait de la "Dame de Grenade", Sarah Cournac, Ed. la feuille de thé, 2015.
 
 Depuis 14 ans, que j'essaie de donner un éclairage spirituel et du sens aux histoires d'amours impossibles des personnes que j'accompagne,  j'ai été touchée par certaines d'entre elles. Dans ces moments douloureux, j'ai compris une chose fondamentale : l'amour partagé guérit de tout. Aucune séparation, aucun amour impossible ne devrait se vivre sans un amour inconditionnel partagé, car ce sentiment dépasse la frontière qui sépare la vie visible de la vie invisible et sublime même la mort. J'aime beaucoup Francois Cheng car il nous fait naviguer entre ces deux mondes avec beaucoup de naturel. Son écriture me rassure et m'a fait comprendre que cette sensibilité était normale et qu'elle pouvait s'exprimer sans retenue. Il valide que le monde des âmes et le nôtre sont reliés et que l'âme humaine résonne avec l'Âme universelle. Le passage ci-dessous est révélateur de la vie qui se joue dans le monde visible et de sa réalité dans l'invisible.
 
 (...) Qu'il puisse quotidiennement contempler l'être de son coeur, intimement et silencieusement, fût ce à l'insu de l'autre, c'est déjà un rare bonheur dans ce monde. (...)
(...) A Dao-Sheng surpris de sa présence elle sourit avec naturel et dit: " Je sors aujourd'hui pour la première fois, et je viens vous remercier de m'avoir guérie."
Dao-Sheng répond d'une voix claire: "Il ne faut pas me remercier. Si Madame est guérie, c'est grâce à la protection du ciel!"
Puis il sourit aussi. Ces phrases d'une tournure bien trop formelle, sont destinées avant tout aux gens à côté qui écoutent ; leur vrai langage est leur sourire. Oui, c'est seulement par le sourire que désormais ils pourront communiquer.

Extrait de L'eternité n'est pas de trop, François Cheng, ed. le livre de poche, 2003.

Jane Austen, de son côté,  a connu un amour impossible dans sa vie, avec Thomas Langlois Lefroy. Elle a écrit, suite à cette contrainte du destin et pour consoler son chagrin, des romans innovants pour son époque avec des personnages vivants et pétillants.
Sa créativité s'est exprimée , en ce sens elle s'est réalisée. Mais, tout au cours de sa vie, la maladie l'a accompagnée et elle est décédée à 42 ans. Un âge qui n'est pas un hasard mais une conséquence du chagrin qu'elle avait vécu à ses 21 ans dans la fatalité. 

Aujourd'hui, il existe un moyen, car la fatalité n'est jamais la solution. Je dis souvent aux personnes que j'accompagne en plaisantant :
 "Nous expérimentons sur terre différents types d'amour et si nous devions diviser l'amour en 100%, ce serait ainsi : 
- 20 % de l'amour pour le couple
-20 % de l'amour pour sa famille, ses enfants
-20% de l'amour pour soi-même
-20 % de l'amour pour  l'humanité et ses amis,
- 20% d'amour inconditionnel et spirituel "

Même si dans le ressenti intérieur, l'élan naturel est de vivre chacun de ces amours à 100 %, comme si toute notre existence dépendait de cela. Cependant on comprend bien qu'un seul type d'amour ne peut pas tout apporter et que la vie offre la possibilité de découvrir ces différentes amours qui peuvent être vécues dans la loyauté et la fidélité.

Ainsi, lorsqu'un domaine est fragilisé, les autres dimensions de l'amour peuvent vous soutenir et vous réconforter.
"Vous êtes trop généreuse pour jouer avec mes sentiments" disait Mr. Darcy à cette chère Élisabeth Bennett, qui n'en avait aucunement l'intention, dans "Orgueils et préjugés." Effectivement, il vaut mieux ne  jamais jouer avec les sentiments des autres, ce type de comportement manipulateur  est destructeur. Mieux opter pour la sincérité comme le préconise Francois Cheng : "(...) un dialogue exige des intervenants qu'ils dépassent les apparences et qu'ils acceptent de plonger dans la profondeur de leur être (...) La sincérité de la réponse en constitue l'intérêt".
     Aujourd'hui, le temps de Roméo et Juliette contraints de passer par leur mort physique pour se retrouver, semble révolu. Le XXIe siècle a besoin de comprendre le sens de ces amours impossibles, et de voir comment elles se subliment.  Ces dernières unissent très souvent des âmes-soeurs ou des âmes-jumelles et leur manque réciproque est parfois très dur à vivre. Mais ces âmes-là ont fait le choix d'une évolution spirituelle dans cette vie. Aussi, vivent-elles leur amour en secret et leur souffrance n'a de sens que pour apprendre à aimer sans retour et sans attente. C'est un des chemins le plus difficile car le chagrin et le manque sont redoutables et physiquement éprouvants, mais l'amour de leurs âmes est infini. Cet amour-là conduit à une grande sérénité, un détachement d'une grande beauté et un respect mutuel et sincère,  une vraie force de vie. Il suffit d'une compréhension réciproque et d'une profonde sincérité pour que la douleur soit moins forte, voire totalement guérie.