mardi 4 février 2020

Ce qui nous a élevés nous élève...

 Ce qui nous a élevés nous élève...
 Calogero

Pour Catherine Gueguen, pédiatre et spécialiste des neurosciences, l'enfant doit être entouré de personnes chaleureuses et bienveillantes et baigné dans l'empathie afin d'assurer un bon développement de son cerveau et par la suite de ses apprentissages.
Elle explique que toutes les grandes peurs de l'enfant sont enregistrées dans l'amygdale de son cerveau de façon inconsciente et qu'il devrait être interdit de faire peur à un enfant.
L'humiliation, la critique et la dévalorisation produisent chez l'enfant des troubles de comportements. Il faut comprendre que le cerveau de l'enfant est immature et qu'il ne peut pas gérer ses émotions. C'est donc à l'adulte d'apporter à l'enfant cette sécurité par la bienveillance, la chaleur et l'empathie.

 A ce propos, on peut réécouter les mots de Christian Bobin dans son livre la lumière du monde, cet auteur a un rapport à l'enfant et au petit enfant qui répond parfaitement à ce que décrit Catherine Gueguen. Pour lui, le petit enfant est une source de sagesse infinie et avec sa sensibilité habituelle, il y détecte l'âme qui, encore proche du ciel, nous dévoile un peu de l'infini amour de l'univers. Le monde intérieur de l'enfant et du petit enfant est comme un trésor enfoui au fond de l'océan. Il est noyé dans une société qui n'a plus la patience d'écouter et ne parvient que rarement à entendre les besoins des jeunes enfants.
Pourtant, c'est bien ici que se situe un des plus grands changements.  "Si la manière dont nous parlons à nos enfants devient leur petite voix intérieure", ils deviendront eux mêmes bienveillants, chaleureux et empathiques dans leur vie.

Pour Christian Bobin,  "On a été élevé par des gens qui ont été des enfants c'est donc leur enfance à eux qui nous élève." Sans un retour à soi pour guérir ses peurs, ses traumatismes et ses propres blessures, on ne fait que reproduire ce que l'on a vécu enfant. Très souvent, en examinant nos comportements avec sincérité et transparence, on peut s'apercevoir que certains d'entre eux ne sont, envers les enfants ou même envers les adultes, que la reproduction, sous une forme différente, de ce que nous avons vécu dans notre enfance. A ce stade de l'observation,  Catherine Gueguen rappelle la plasticité de notre cerveau qui peut résilier à tous moments dans notre vie et nous libérer de nos blessures anciennes, parfois en ayant recours à une démarche thérapeutique.


Devant l'importance du message, on peut penser à cet astronome, dans le Petit Prince, qui avait dû changé de costume pour se faire entendre. 
Le discours de Catherine Gueguen est tellement empathique et surtout teinté de coeur et de bon sens que l'on se demande comment, à notre époque, il n'est pas présenté comme une référence incontournable dans le domaine de l'éducation des jeunes enfants.
Toutes les données scientifiques et les découvertes récentes en neurosciences démontrent l'indispensable nécessité de l'empathie et de la bienveillance.
Alors maintenant, que la science démontre les besoins fondamentaux du cerveau de l'enfant, on peut entendre ce que d'autres personnes, en d'autre temps, avaient déjà démontré sous une autre forme pour attribuer au petit enfant une importance capitale et surtout une éducation empathique et bienveillante qui nourrit à la fois le coeur, la tête et l'âme.
Les bébés, comme nous le rappelle Christian Bobin,  sont "à la fois dans le jeu et dans la pensée la plus insoutenable sagesse. C'est étrange qu'ils viennent nous donner des nouvelles des étoiles et qu'ils puissent s'amuser avec un petit bout de ruban qui dépasse de leur couffin".

 Mais l'histoire montre qu'il s'agit toujours d'une question de costume. Enveloppée du costume scientifique, la démonstration est toujours mieux entendue. L'essentiel est évidemment de faire passer le message au plus grand nombre. C'est ainsi que sont "les grandes personnes", nous rappelle l"aviateur de Saint Exupéry qui voit le monde d'en haut et finit par rencontrer le Petit Prince.

Pourtant plus le petit enfant évoluera dans un environnement qui saura l'entendre et plus il sera un adulte capable de répondre avec justesse aux besoins de ses enfants et de s'adapter à son monde.
On rejoint ici André Stern, dans son dernier ouvrage "Jouer" et son écologie de l'enfant, qui pose un regard très contemporain sur les besoins du jeune enfant. A la bienveillance et l'empathie,  André Stern rajoute le besoin insatiable de jouer qui permet à l'enfant de se construire intérieurement en confiance. Il est donc indispensable de considérer le jeu libre du petit enfant comme un besoin humain. Il faudrait même en faire un devoir de l'adulte envers l'enfant.
 Bien sûr, il ne s'agit pas de répondre sans contrainte à toutes ses demandes mais de pouvoir donner des repères ajustés aux réalités vécues. Comme nous le rappelle, Christian Bobin, dans la lumière du monde, n'oublions pas, avant toute chose, d'écouter la sagesse des plus petits :

    " J'ai causé l'autre jour avec un bébé. Il avait les tout petits sourcils froncés de la pensée qui ridaient son front comme de l'eau. Ses petites mains, affairés autour des lacets de ses chaussures, étaient aussi belles qu'un moineau. Ses doigts minuscules avec des ongles légers comme de tout petits pétales de fleurs, environnés par l'immensité du cosmos, le tout petit escargot de ses lèvres et ce regard limpide parfois zébré par la gravité d'une pensées.  Les nouveaux nés sont des êtres qui font front, comme dans une guerre. C'est peut-être pour ça qu'ils me bouleversent plus que n'importe quelle oeuvre d'art."